lundi 2 janvier 2017

Tout ce que votre navigateur peut balancer sur vous

"Peu de gens en ont conscience, mais votre navigateur peut en dire beaucoup sur vous. Votre adresse IP évidemment, les plugins installés sur le navigateur, mais aussi votre géolocalisation, le type de machine et de connexion que vous avez, et même les sites web sur lesquels vous êtes connecté.

Si vous lisez mon site depuis longtemps, vous savez déjà tout ça, et vous savez aussi que rien qu'avec ces infos, on peut vous tracer de manière individuelle.

Pour connaitre toutes ces infos, Robin Linus a mis en ligne une page qui fait la démonstration par l'exemple et qui accompagne tout ça d'explications et de liens intéressants. Il y a même des exemples de clickjacking ou de scan de réseau local. Ce qu'il faut bien comprendre c'est que toutes ces données peuvent être récupérées par des sites mal intentionnés.

http://webkay.robinlinus.com/

Bref, un bon exemple de sensibilisation à faire tourner. Maintenant si vous voulez anonymiser un peu tout ça, vous pouvez toujours utiliser un plugin comme Firegloves ou un navigateur comme celui proposé par Tor."



mercredi 21 décembre 2016

Le meurtre de l’ambassadeur, comme au cinéma?

Parmi la séquence meurtrière du lundi 19 décembre, une image se détache – pas forcément pour de bonnes raisons. L’assassinat de l’ambassadeur russe, Andreï Karlov, par un jeune policier turc, dans une galerie d’art d’Ankara, rappelle à certains l’attentat de Sarajavo, décrit comme le prélude à la Première guerre mondiale.
Du coup, plus encore que la vidéo qui a enregistré toute la scène, largement rediffusée par les chaînes d’information, les photos de l’événement frappent l’imagination. Réalisées quelques secondes après le meurtre par le photographe Burhan Ozbilici, témoin du drame, dont le professionnalisme lui a permis de reprendre le dessus, ces images montrent un homme en costume, le pistolet à la main, hurlant face au public, le doigt pointé dans un geste menaçant.


L’une d’entre elles, sélectionnée par Associated Press et diffusée sur son compte Facebook, sera choisie le lendemain comme image de Une par de nombreux quotidiens. Sur les réseaux sociaux, elle fait l’objet de jugements élogieux: « Tragic story but this is one of the greatest news photos I’ve ever seen » (Andy Abbott). « Cette photo restera dans l’histoire: le cadavre de l’ambassadeur russe en Turquie et son assassin cravaté« , estime de son côté Pierre Haski.
Les propriétés qui suscitent le commentaire et rendent cette image virale relèvent pourtant d’un espace ambigu. Rarement prise au cœur de l’action, la photographie documentaire en montre plus souvent les conséquences et les prolongements. Ici, le sang-froid du photographe permet de disposer d’une image exceptionnelle, qui décrit l’immédiat après-coup d’un attentat, dévoilant le visage de l’assassin, encore muni de son arme, mais aussi le corps de sa victime. Le fond blanc des cimaises confère à la scène un degré de lisibilité qui n’est généralement proposé que par les compositions du roman-photo. Pour couronner le tout, le costume-cravate, la posture et le pistolet du meurtrier évoquent également l’univers cinématographique, en particulier la célèbre séquence dite du « gun barrel » sur laquelle s’ouvrent tous les James Bond.
L’enregistrement vidéo donne une image moins glamour de l’événement. Les coups de feu, les cris de terreur du public, les hurlements du forcené, le corps de la victime à terre glacent le sang. Comme l’expriment quelques commentateurs, choqués par les éloges du cliché d’Associated Press: « You are all bloody crazy taking MORE notice of the way the photograph has been taken THAN the death of the Russian Ambassador for Turkey in Ankara ». Dans ce cas très particulier, on peut en effet considérer que les qualités iconiques de la photo tiennent du malentendu. Il y a des images qui ne méritent peut-être pas de rester dans l’histoire.

lundi 19 décembre 2016

Islam politique: des motivations plus profanes et politiques que religieuses

Revenant sur ses longues années de recherche dans les pays arabes, le politologue François Burgat, fait un tour d'horizon de leur évolution dans Comprendre l'islam politique (La découverte).

De l'Algérie à la Syrie en passant par l'Égypte et le Yémen, François Burgat, est l'un des premiers chercheurs à avoir pris conscience de l'importance de l'essor de l'islam politique.

Revenant sur ses années d'observation et de recherche dans les pays arabes, il fait, dans son livre Comprendre l'islam politique*, le point à la fois sur l'évolution du phénomène dans la région, mais également sur la construction de sa grille d'analyse de l'islamisme. L'occasion d'un retour aussi éclairant que passionnant sur les quatre dernières décennies de cette région du monde si troublée.
Rupture symbolique avec l'ex-puissance coloniale et les élites
Son entrée en contact avec ce qui deviendra son objet d'étude démarre au début des années 1970, en Algérie, où il passe sept années, pour sa recherche doctorale. De là, il sillonne aussi les pays voisins, Libye et Tunisie, en particulier. Il prend conscience de la réaffirmation identitaire que constitue le retour à l'islam -ce qu'il appelle le "parler musulman". Celui-ci ouvre un univers symbolique "perçu comme endogène", comme "hérité de la culture du grand-père". Il n'est imposé ni du dehors par la puissance coloniale, ni d'en haut, par les élites". Cette quête se nourrit en effet de la perception des élites nationalistes et bien souvent autocratiques comme acquises à l'univers symbolique du colonisateur.

Dès le départ, le chercheur a la conviction que "les vertus mobilisatrices de ce lexique musulman retrouvé proviennent moins de sa dimension sacrée que de son caractère endogène". Il voit dans cette évolution la poursuite de la rupture indépendantiste, au plan politique, et de celle des nationalisations au plan économique.


La progression de l'islam politique se traduira en Algérie par la victoire du Front islamique du salut (FIS) dans les urnes, en 1991. Avant que la confiscation de cette victoire par l'armée et la répression qui suit enclenche un cycle de violence dans le pays. Avec du recul, Burgat y voit l'annonce des soulèvements arabes de 2011.

"Ce n'est pas en réformant le discours religieux que l'on pacifiera le Proche-Orient"
Dans la deuxième partie de son ouvrage, l'auteur revient sur la radicalisation djihadiste. En désaccord avec l'approche culturaliste largement répandue, il montre que les motivations des islamistes radicaux et des djihadistes sont souvent bien plus profanes et politiques que religieuses. Plutôt que "de disserter sur le caractère 'islamique' du lexique utilisé par les révoltés", dit-il, il faut "rechercher les causalités sociales et plus encore politiques de leurs actes". Il prend notamment ses distances avec ses confrères Olivier Roy et plus encore avec Gilles Kepel selon qui la radicalisation sectaire serait le préalable ou la cause de la radicalisation politique.

"Si pour pacifier, on croit qu'il faut réformer la pensée religieuse radicale, on part dans la mauvaise direction, dit-il. Car ce n'est pas en réformant le discours religieux que l'on pacifiera la région, mais bien en pacifiant la région que l'on réformera le discours religieux."

* Comprendre l'islam politique. Une trajectoire de recherche sur l'altérité islamiste. 1973-2016. François Burgat. La Découverte, 260 p. 22 €

vendredi 14 octobre 2016

Après le burn-out et le bore-out, voici le brown-out

Cette nouvelle pathologie touche le salarié laminé par l’absurdité quotidienne des tâches à accomplir.
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SIMON LAW/ CC BY-SA 2.0
Reconnaissons au moins ce mérite au monde du travail : il produit des pathologies professionnelles sans cesse renouvelées, résultant du caractère protéiforme des tortures qui sont infligées au salarié. Cousin éloigné de l’antique bûcher, le burn-out, cette « consumation » par excès d’investissement, est désormais entré dans le langage courant. Le mail professionnel reçu à 1 heure du matin – et auquel on se sent obligé de répondre – participe de cette dynamique crématoire qui finira par transformer l’employé trop zélé en petit tas de cendres fumantes.
Si, en revanche, votre entreprise ne vous donne rien à faire, vous risquez alors d’être aspiré dans un tourbillon de vacuité que l’on nomme le bore-out. Nous ne sommes pas loin, dans ce cas, d’une forme de réinterprétation des oubliettes médiévales, où l’on tentait vainement de tromper l’ennui en jouant au morpion avec les os de ses prédécesseurs.
Baisse de courant psychique
A côté de ces deux formes chatoyantes de négation de l’individu, par le feu de l’hyperactivité et par le rien, il faut en ajouter une troisième, qui émerge aujourd’hui telle une nouvelle évidence. Son nom ? Le brown-out. Cette baisse de courant psychique peut être envisagée comme une sorte de dévitalisation provoquée par l’absurdité quotidienne des tâches à accomplir.
Au cœur de cette forme réactualisée d’écartèlement psychique, la perspective d’un salaire régulier finit par entrer en opposition avec le caractère rebutant des missions qui vous sont confiées. Mettre la pression sur les échelons inférieurs comme si vous étiez un garde-chiourme du bagne de Cayenne, travailler pour un client dont vous savez pertinemment que l’action produit un effet néfaste sur la marche du monde, se prosterner devant les chiffres et favoriser ainsi l’avancée de cette froide logique statistique devenue étalon existentiel : les occasions de participer à l’édification d’un monde qu’on exècre sont légion en entreprise.
La pire part de soi-même
Au final, toutes ces actions répétées qui heurtent vos valeurs profondes fertilisent le terrain du brown-out et conduisent à votre désinvestissement progressif. Ce mouvement de retrait est logique lorsque l’on constate que la vie de bureau sollicite non pas la meilleure, mais la pire part de soi-même.
Dans leur ouvrage The Stupidity Paradox (Pearson, non traduit), les chercheurs britannique et suédois André Spicer et Mats Alvesson étudient cette mécanique surprenante qui veut que les entreprises recrutent des diplômés brillants pour exiger d’eux, au final, qu’ils mettent leur cerveau en sommeil. Ces jeunes travailleurs qui s’attendaient à des tâches stimulantes se retrouvent alors à faire la danse du Powerpoint pour tenter d’hypnotiser les clients, dans un climat intellectuel para-prostitutionnel.
Concassage de l’individu
On en vient alors à se demander si la fonction réelle de l’entreprise ne serait pas le concassage de l’individu, l’être humain étant devenu la matière première d’un processus global de destruction créatrice directement inspiré par l’économiste Joseph Schumpeter.
Syndrome plein d’avenir, le brown-out – et sa prise en charge – se révèle une aubaine pour l’industrie pharmaceutique (réponse moléculaire), les psys (réponse conversationnelle) et la myriade de sous-traitants qui revendent désormais de la quête de sens en pack (réponse transcendantale).
Nicolas Santolaria

En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/m-perso/article/2016/10/13/apres-le-burn-out-et-le-bore-out-voici-le-brown-out_5012742_4497916.html#5viEwtbub7VJEjC4.99